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Design Thinking et facilitation : 11 questions à une experte

3 mots : "Innover" pour "se démarquer" : le Design Thinking ("Esprit Design") peut apporter la solution avec cette méthodologie et stratégie d'innovation en s'appropriant les outils du Design pour concevoir des projets de façons moins linéaire.

Design Thinking et facilitation : 11 questions à une experte

À l’heure ou le contexte économique et sanitaire met les entreprises à très rude épreuve, il n’a jamais été aussi urgent d’innover pour se démarquer.

Contrairement aux idées reçues, l’innovation n’est pas l’apanage des grandes entreprises ou des startups.

Toutefois, rassembler son équipe autour d’une table pour faire émerger l’idée qui fera la différence ne s’improvise pas.

Aujourd’hui, nous recevons Kristina Gudim, experte UX et intervenante pour la formation professionnelle Design Thinking à GOBELINS. Kristina est également co-fondatrice et Head of Design & Innovation de l’agence Puzzle. 

Avec elle, nous allons revenir sur les grands principes du Design Thinking et de la facilitation et découvrir comment les organisations peuvent mettre en place leur propre Design Sprint.
 

Kristina Gudim

 

Tu es passionnée par ton travail et active dans différents réseaux.
Peux-tu nous parler de ton parcours ?

À la fin des années 2000, personne ne parlait d’UX en France (ou trop peu et dans un milieu restreint) et il n’y avait pas de formations spécialisées comme aujourd’hui. Par conséquent, je me suis formée sur le terrain après un BTS communication visuelle.

Comme plusieurs autres intervenants, j’ai un parcours atypique. Initialement, je voulais être profileuse mais on ne cessait de me répéter que c’était un métier très solitaire. L’UX, c’était ce qui s’en rapprochait le plus, étant au carrefour de la psychologie et de la recherche. Je suis un peu une profileuse d’internautes. :)

En parallèle, j’ai appris à coder pour comprendre comment le web fonctionne et j’ai commencé à m’intéresser de près à tout ce qui permet d’intégrer de l’humain dans la technologie et plus particulièrement au Design Thinking.

Puis, j’ai travaillé auprès de startups françaises et américaines souhaitant développer des démarches qui intègrent l’empathie (comme l’Agile) tout en suivant un diplôme universitaire en Intelligence collective et Facilitation.

Aujourd’hui, j’ai 15 ans de métier. J'accompagne de grands groupes industriels dans leur transformation digitale ou des start-ups de divers secteurs et pays, en proposant une façon de travailler plus collaborative et itérative.

J’ai débuté à mes 18 ans avec une première agence, Workaholic, qui s’est spécialisée dans le design technologique pour devenir Puzzle en 2019. 

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Peux-tu nous donner ta définition du Design Thinking ?
Quels sont ses principes fondateurs et en quoi cette méthode répond-elle aux enjeux actuels ?

Le Design Thinking est un ensemble de méthodes, à la base des innovations de ces dernières décennies.

Le Design Thinking est la combinaison de l’analyse et de l’intuition : 

  • L’analyse pour la récolte de données et la compréhension des besoins du client (business, technologie, stratégie...) ainsi que de l’utilisateur final,
  • L’intuition pour entrer en empathie avec l’utilisateur final et créer un produit (ou service) qu’il appréciera et utilisera réellement.

Le principe fondateur du Design Thinking, c’est la collaboration. On part du postulat que tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice et que le brassage des idées et le travail horizontal permettent de trouver des réponses pertinentes à des problématiques (bien) définies. 

Pour résoudre un problème ou inventer un nouveau produit, il faut donc mobiliser tous les métiers. C’est le postulat initial du Design Thinking.

Le Design Thinking est de plus en plus populaire. Mais c’est bien plus qu’une méthodologie à la mode, c’est un véritable état d’esprit. Un workshop à lui-seul ne résoudra jamais rien si l’entreprise n’adopte pas une démarche itérative et horizontale dans tous ses projets.

Je ne vois d’ailleurs pas comment il serait possible aujourd’hui de mener à bien un projet sans passer par un processus itératif.

Cette approche d’un projet séquencé en étapes et sous-étapes, elles-mêmes ponctuées de tests et de validations, sécurise le projet. 

Cela permet aussi de concevoir des produits qui correspondent réellement aux besoins des utilisateurs, de tester une idée rapidement et de savoir si elle est viable avant de la proposer au public. 

 

Quelles sont les grandes étapes d’un projet mettant en œuvre le Design Thinking ?

Le process de Design Thinking est généralement représenté par un modèle en 7 étapes par Stanford & Rolf Faste : Définir, Rechercher, Idéation, Prototyper, Sélectionner, Implémenter et Apprendre.

Ensuite, il y a une version “compressée” qui simplifie l’organisation de ce process : c’est ce que l’on appelle le Design Sprint.

Le Design Sprint est basé sur la méthodologie du Design Thinking. Il se déroule en cinq jours qui correspondent chacun à une étape du scénario de Jake Knapp théorisé en 2014.  En entreprise, un Design Sprint se déroule généralement du lundi au vendredi.

Design Jane Knapp

 

Pour résumer les étapes du Design Sprint : 

Comprendre : transmettre la connaissance métier, récolter des données (interviews) et synthétiser les informations, pour définir le problème à résoudre, c’est l’étape la plus importante,

  • Idéation : fournir le maximum d’idées créatives pour la résolution du problème défini sans se fixer de limites. C’est la divergence,
  • Décider : se mettre d'accord sur les propositions à conserver en lien avec la problématique définie le premier jour (convergence),
  • Prototyper : on élabore de premières maquettes d’applications, de services web ou même d’immeubles !
  • Tester : tester notre solution, recueillir le feedback des utilisateurs, puis prendre une décision sur la suite à donner.

 

C’est LA question que tout le monde se pose.

En réalité, être facilitateur est très compliqué car la frontière avec le coach, l’animateur, le professeur ou le formateur est très poreuse.

Un facilitateur en Design Thinking sera chargé de veiller à la bonne énergie entre les participants, à ce qu’ils restent motivés et à ce que chacun puisse apporter sa contribution.... Le tout sans jamais porter de jugement. 

Le facilitateur n’est pas un expert ou un professeur. Il est là pour tirer le meilleur parti d’un groupe, aider les participants à accoucher de leurs idées et veiller au respect du programme.. 

Souvent, le premier atelier de Design Thinking est perçu comme une activité récréative. Le facilitateur doit alors adopter différentes postures “hautes” (autorité)  et “basses” (humilité), comme en improvisation théâtrale, pour rythmer la session.

Pour résumer, un facilitateur en Design Thinking donne les outils et les moyens pour mener le projet à bien mais n’est en aucun cas décisionnaire.

 

As-tu quelques exemples d’outils propres au Design Thinking ? 

Il n’y a pas d’outil ultime. Un bon outil doit convenir à la fois au facilitateur et au groupe. 

Personnellement, je fais beaucoup d’improvisation pour jouer sur les différentes postures et des jeux de rôles pour mettre les participants à l’aise.

Je privilégie l’expression visuelle aux écrans qui sont moins rapides et moins propices à la collaboration. Du matériel, tels que les post-its, les gommettes ou les feutres, reviennent ainsi très souvent.

Le carton, les LEGO® SERIOUS PLAY®, la pâte à modeler ou les innovation games sont aussi sollicités pour trouver des solutions créatives par le jeu.
 

Lego serious play

 

Comment réussit-on une stratégie de Design Thinking et, au contraire, quelles sont les erreurs à éviter ?

La première grosse erreur est de croire que l’on peut mener un process de Design Thinking seul. N’essayez pas, cela ne fonctionne pas !

La seconde erreur est de ne pas considérer le niveau de maturité de l’entreprise quant au travail collaboratif. 

La France accuse un certain retard dans la mise en œuvre de l’horizontalité au travail, ce qui conduit à des interprétations très libres et parfois erronées de ce qu’est le Design Thinking. 

Connaître les participants, surtout si l’on intervient auprès d’équipes déjà formées, est donc essentiel pour détecter et désamorcer les conflits.

La troisième erreur est de penser qu’il existe une formule magique qui fonctionne à tous les coups. 

Et enfin, la quatrième et dernière erreur est de ne pas assurer de suivi après l’atelier (quand on est en sprint). 

Chez Puzzle, nous proposons toujours un accompagnement post Design Sprint afin de nous assurer que des idées voient bel et bien le jour après la semaine de travail.

atelier design thinking

 

Qui sont les entreprises qui vous contactent et pour quels types de projets ?

Chez Puzzle, nous travaillons beaucoup avec de grands groupes industriels (KparK, Lapeyre, Saint-Gobain…), mais nous accompagnons aussi des start-ups allant de la MedTech à l'intelligence artificielle en passant par l’e-learning. 

Durant le confinement d’avril 2020, nous avons ainsi participé au lancement de la 1ère application de télémédecine en Grèce. Un vrai challenge, surtout à distance !

En parallèle, nous sommes investis sur plusieurs projets à impact social tel que le Cooperathon France (2018-2019) ou encore le Hacking Health.

 

Tu es intervenante pour la formation professionnelle au Design Thinking à GOBELINS.
À qui s’adresse ce stage et comment se déroule-t-il ?

La formation attire des personnes d’univers très différents dont le point commun est l’envie de savoir qu’une autre façon de travailler est possible.

On peut donc autant croiser des Directeurs de Création que des Responsables ou des Directeurs Marketing. Nous formons aussi des équipes entières. L’année dernière, nous sommes intervenus auprès des associés et des managers d’un grand cabinet de conseil.

La formation au Design Thinking en elle-même se déroule sur 3 jours : 

  • Jour 1 : la matinée est consacrée à la théorie, à l’exploration des grandes valeurs et de l’état d’esprit du Design Thinking. Et en début d’après-midi, nous faisons une simulation d’un Design Sprint accéléré pour former par la pratique,
  • Jour 2 est la suite de la journée 1 et axé autour des différents outils du Design Sprint classique utilisés en journée 2 et 3,
  • Jour 3 est exclusivement dédié à la facilitation. On y apprend la communication non violente, la résolution des conflits, les postures, l’idéation par le jeu de rôles, le tout en s’exerçant face au groupe dans une ambiance bienveillante.
Formation design thinking gobelins

 

La perception du métier de Designer (et bien sûr d'UX Designer !) a beaucoup évolué.

À l’époque, certains clients ne comprenaient pas pourquoi ils devaient payer pour une prestation de Design. “Le Design, cela sert à faire beau.”

Il y a eu une vraie prise de conscience qui a facilité le dialogue même si ce que nous faisons peut demeurer encore flou pour nos interlocuteurs. Mais notre métier commence à rentrer dans les mœurs.

 

Si tu avais un conseil à donner à quelqu’un qui veut se lancer dans le Design Thinking…

Comprendre très tôt pourquoi on veut faire du Design Thinking ! Il y a indubitablement un effet de mode autour de ce sujet. En réalité, c’est un métier exigeant, qui demande des compétences analytiques et humaines.

Il faut aussi savoir se laisser surprendre. On lit et on entend beaucoup de choses sur le Design Thinking. Je recommanderais donc de participer par exemple à des hackathons pour découvrir concrètement ce qu’est cette discipline et si elle correspond à nos envies.

Enfin, se rapprocher d’une communauté est essentiel car, comme je l’ai dit plus haut, on ne peut pas pratiquer le Design Thinking seul. 

Les meetups orientés sur les retours d’expérience par exemple permettent de se nourrir et de se réapproprier des techniques. En Design Thinking, on dit souvent “échouer plus vite pour réussir plus vite” (rires).
 

Meetup design gobelins

 

Pour terminer, as-tu des ressources qui t’inspirent à nous partager ?

Je suis passionnée par l'autonomie et l'autogestion des personnes et je me suis beaucoup intéressée au tribal leadership qui a été une vraie source d’inspiration. Je recommande à ce sujet cet article passionnant de l’Agiliste.

Les 2 ouvrages que je considère également comme essentiels sont :
 

  • “Sprint - Résoudre les problèmes et trouver de nouvelles idées en cinq jours” de Jake Knapp,
  • “Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes” de Nir Eyal.
  • Et enfin le cabinet de conseil en innovation Ideo et leur Design Kit, qui regroupe une quantité incroyable d’outils, d’interviews et de cas pratiques autour de l’UX et du Design Thinking. Un must !

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Actualité publiée le 08 septembre 2022